Fabrice Hadjadj
LE PARADIS A LA PORTE
ESSAI SUR UNE JOIE QUI DERANGE
- Éditeur
- Points
- Année
- 2011
- Ean
- 9782757837825
Présentation
500 pages de réflexion sur le Paradis. Il fallait oser. A priori, rien ne paraît plus ennuyeux et décalé que ce thème à l’heure où même de nombreux chrétiens ne croient plus à la Résurrection. Mais l’ancien athée qu’est Fabrice Hadjadj a forcément beaucoup réfléchi à la question. Sous sa plume jubilatoire, érudite et éclectique, la vie éternelle devient intéressante, et parfois franchement amusante. Le philosophe français, désormais catholique, sait convaincre, sinon de l’existence d’une béatitude perpétuelle pour les âmes méritantes, du moins que le paradis chrétien a encore quelque chose à dire aux contemporains. Pour Hadjadj, celui-ci n’a rien d’artificiel, bien au contraire. Il est précisément ce qui nous sort de nos habitudes confortables et de nos rêves d’évasion pour nous propulser dans l’ici et maintenant, dans une présence attentive à tout ce qui est. Le philosophe ne propose pas de chercher un sol ferme, mais de perdre pied, afin que notre vie, si elle ne s’engage pas dans la bonne direction, se fourvoie au moins comme il faut. Son paradis déboussole, il est une invitation à l’égarement. Cela vaut toujours mieux qu’être installé dans des certitudes commodes qui finissent par s’apparenter à une géhenne très convenable. Hadjadj ne prêche pas les petits édens privés et portatifs, mais un paradis effrayant qui exige de l’homme de se mettre au diapason d’une joie qui le dépasse et qui ne cesse de l’appeler. Et quoi de plus difficile, en effet, que de répondre à un tel appel? Le Ciel n’est pas raisonnable, et nos enfers personnels paraissent bien plus rassurants. Pourtant, le paradis version Hadjadj commande à l’homme de se livrer à ce qui lui est impossible avec l’espérance, qu’un jour, cela devienne possible. Car le paradis est ce qu’on souhaite mais qui échappe toujours pour ouvrir sur une soif plus grande. Pour sa démonstration, le philosophe convoque Nietzsche, Mozart, Proust, Kafka, le poète contemporain Yves Bonnefoy, mais aussi Sade, un hypersensible qui cacha son désespoir théologique sous une bonne couche de cruauté. Pour accueillir le paradis, mieux vaut cependant ne pas avoir une carapace trop épaisse, et accepter de se laisser déchirer par la souffrance, écrit Fabrice Hadjadj. L’invulnérabilité, on le sait, est «le rêve du grand douillet». Or il n’y a pas de joie sans la traversée de l’épreuve. Fabrice Hadjadj a la foi et le zèle des convertis, et ses arguments sont parfois agaçants. Notamment lorsqu’il cherche à exonérer Dieu de toute responsabilité dans la question du mal. L’horreur retournée en bien par Dieu? Inaudible aujourd’hui. La petite fille sauvagement tuée qui, au Ciel, prépare la rédemption de son bourreau? Franchement grotesque. De même, ses descriptions du paradis «comme si vous y étiez» – «aux bienheureux, l’éternité ne peut pas être longue, elle n’a pas le temps d’ennuyer» – frisent souvent la naïveté. Mais l’homme a le sens de la formule et écrit diablement bien. Sans avoir peur des (gros) mots: «L’accueil de la lumière passe par les mains dans la merde. Pour l’instant, on ne peut pas faire l’ange, parce qu’il faut d’abord faire la vidange.» Et après tout, il a raison lorsqu’il dit que «la vie excède toujours nos projets: elle déjoue le plaisir planifié, elle délivre le bonheur auquel nous ne nous attendions pas». De plus, les pages qu’il consacre à Mozart et au Bernin sont très belles.